[Suite au licenciement d’un travailleur du MRAX, les employés décident de faire grève, pour la première fois dans l’histoire de l’association, réclamant sa réintégration, et dénonçant les modes de fonctionnement interne.]
Bruxelles, le 6 fevrier 2006.
Chers membres,
Ce lundi 6 février, les employés du MRAX ont procèdé à un arrêt de travail symbolique entre 14h et 15h. Dans le même temps, un préavis de grève a été déposé en vue d'organiser une journée d'action collective le mercredi 22 février. Ces actions bénéficient de la participation ou du soutien de 1'ensemble des permanents, direction exceptée. Notre décision a été mûrement réfléchie et ne fut pas facile à prendre. Elle reflète le sentiment d'avoir épuisé tous les moyens de médiation sans jamais avoir reçu de réponse satisfaisante ou même de signal positif. Nous avons en effet misé sur le dialogue et tenté de travailler en bonne collaboration mais la crise perdure. Toutefois, soucieux de ne pas paralyser le fonctionnement du mouvement, qui plus est à quelques semaines à peine de l'important rendez-vous de la Semaine d'Actions Centre le Racisme, nous avons privilégie une action symbolique d'une journée.
Les raisons de notre action sont multiples et ont, pour la plupart, déjà été exprimées dans de nombreux courriers interpellant le conseil d'administration (envoyés à l'initiative de 1'equipe, de la délégation syndicale ou d'employés a titre personnel). Elles peuvent être synthétisées comme suit:
1) Nous sommes consternés par le licenciement de Luc Malghem ayant pris effet ce 31 janvier. Nous constatons que les faits et comportements dont celui-ci a fait état à de multiples reprises n'ont jamais été pris en considération par le conseil d'administration. Jamais ses interrogations - partagées par nombre d'entre nous - n'ont reçu une réponse sur le fond. Le licenciement confirme cette volonté de nier les problèmes plutôt que d'y faire face. Un licenciement, tout comme de nouvelles démissions, ne résoudra en rien la crise que le MRAX traverse. Nous en voulons pour preuve que l'arrivée de sept employés dans le courant de 1'annee écoulée n'a pas conduit à un apaisement des tensions, loin s'en faut. Cette donnée permet de relativiser sérieusement les accusations de « résistance au changement» qui ont pu être portées a l'encontre de 1'équipe. Elle confirme également que les difficultés ne peuvent être réduites à un simple conflit de personnes.
2) En apprenant cette décision, les permanents ont une fois de plus - et de manière collective - interpellé le conseil d'administration. La réponse qui nous est parvenue met en exergue des critiques maintes fois formulées. D'une part, il nous a été répondu que le licenciement de Luc Malghem avait été décide lors du CA du 20 décembre 2005 (renvoi au PV a 1'appui) et que notre interpellation reposait des lors sur des prémisses erronées. Or, nous n'avons jamais pu lire le PV dont question! L’aspect involontairement humoristique de cette réponse élusive n'échappe è personne, l'accès aux PV du CA et du Bureau constituant précisément une revendication de longue date. D'autre part, la remise en cause de la légitimité de notre interpellation (« Il convient de préciser, par honnêteté, l'identité des membres du personnel qui signent la lettre en question, pour ne pas y impliquer ceux qui n'en sont pas solidaires ») se fait l'echo d'une stratégie dénoncée dans un courrier rédigé par 1'equipe voilà plus d'un an : « ce n'est pas en générant des conflits, en tentant de diviser ou d 'opposer les permanents entre eux ou les permanents au CA, en monopolisant l'information, pour ensuite répandre des informations manifestement fausses, qu 'une dynamique permettant de mener à bien le programme du MRAX deviendra possible »
3) Malgré 1'adoption d'un R.O.I., le mode de fonctionnement de 1'association ne nous parait pas satisfaisant. On a pu penser et dire, au début de la crise, que les prises de position du MRAX ne reflétaient qu'imparfaitement les échanges et débats internes. Ce n'est plus le cas aujourd'hui: ces débats et échanges tendent à disparaître, plus par lassitude que par désintérêt. En effet, hormis dans le cadre des commissions de réflexion instaurées suite à la dernière AG (commissions extrêmement peu fréquentées), les discussions de fond se font rares dans les locaux du MRAX. II est par exemple symptomatique que les employés prennent parfois connaissance des prises de position de 1'association à la lecture des quotidiens... L'hyperactivité médiatique développée au cours du second semestre 2005 ne peut occulter cette absence de réflexion et de vision a long terme.
En posant ce constat, nous ne remettons nullement en cause le pouvoir de décision conféré à des organes définis. Nous soulignons simplement que, dans une association largement fondée sur 1'engagement du personnel, un tel mode de fonctionnement ne permet nullement de refléter les passionnants débats animant le milieu de 1'anti-racisme et ne peut que nuire à notre motivation et à notre efficacité.
4) Nous déplorons également l'aggravation des mauvaises relations entre l’équipe et la direction au sens large. Sans rentrer dans les détails et exemples illustrant cette tendance, force est de constater que nous sommes nombreux à nous inquiéter des modes de gestion actuels et à ressentir une perte de confiance mutuelle. Refusant de sombrer dans le conflit personnalisé, nous sommes disposes à travailler à la recherche collective de solutions qui permettront à la direction d'être, au-delà d'un ensemble de personnes qui dirigent, un organe qui amène les projets, les coordonne et insuffle un esprit au MRAX.
Début 2005, nous posions comme constat que certains employés étaient « démotivés par les conditions de travail et les perspectives, ne se sentant ni entendus, ni compris, ni vraiment respectés ». Un an plus tard, certains sont partis et d'autres les ont remplacés mais le constat demeure valable. Suite à nos interpellations de l’époque, une rencontre réunissant CA et employés avait été organisée. Ces échanges, qualifiés par le conseil d'administration de francs et muscles avaient permis d'ébaucher quelques pistes susceptibles de répondre au mal-être exprimé. II n'en a malheureusement rien été.
Parmi les solutions évoquées, le Conseil d'administration exprimait le souhait qu'un permanent soit présent à ses réunions. Alors que cette faculté nous parait essentielle afin de renouer un dialogue et de retrouver un peu de confiance mutuelle, particulièrement au cours d'une période aussi sensible que celle que nous traversons, elle nous a été retirée sans explication ces derniers temps(l’interpellation du CA par la délégation syndicale qui s'en est suivie, le 24 décembre est restée sans réponse à ce jour).
Suite à cette même rencontre, le conseil d'administration décidait d'engager un débat « plus large encore » sur toutes les thématiques de fond qui occupent l’association et promettait une meilleure circulation de l’information, via notamment la mise à disposition rapide des procès-verbaux. On sait ce qu'il est advenu de ces déclarations d'intention.
Un autre souhait du conseil d'administration mérite que l’on s'y attarde quelque peu : la réalisation d'une analyse institutionnelle. Refusée dans un premier temps par une partie de l’équipe, cette proposition a été votée par l’assemblée générale le 8 octobre dernier. L'équipe, qui n'a plus été consultée sur la question depuis lors, accueille favorablement cette décision. Nous sommes conscients que le mouvement a, de tous temps, été traverse par des turbulences internes (quelle association peut se targuer de fonctionner sans conflits, a fortiori travaillant sur un sujet aussi sensible ?). Nous sommes des lors convaincus qu'une analyse institutionnelle peut lui être bénéfique. Néanmoins, nous réaffirmons que cette solution n'est que partielle et ne peut conduire à occulter des difficultés conjoncturelles indissociables d'un contexte particulier.
En conclusion, et plus que jamais désireux de travailler, dans le respect mutuel et en bonne intelligence, aux objectifs que nous partageons tous, nous revendiquons :
- une remise en question profonde et réelle de la situation par les organes décisionnels : quand, malgré le départ des 'fauteurs de troubles', 'manipulateurs' et autres 'conspirateurs', le malaise persiste, il convient de s'interroger sur ses sources véritables.
- l’élaboration de propositions concrètes relatives aux méthodes de travail, à 1'organisation de 1'equipe et à la gestion du personnel, de manière à utiliser au mieux le potentiel de 1'equipe et à servir les objectifs du mouvement. La rencontre CA/permanents organisée en mars 2005 et les suites qui lui ont été données constituent, à cet égard, un parfait contre-exemple de nos attentes.
- la réintégration de Luc Malghem.
Nous nous mettons bien volontiers à la disposition de tout membre qui souhaiterait engager le dialogue ou s'atteler à la recherche de solutions constructives. Plus encore, nous vous encourageons à effectuer ces démarches. Nous attendons également de votre part, suite à cette interpellation, une prise de responsabilité concrète.
En vous remerciant de 1'attention portée à ce courrier et à notre action, nous vous prions d'agréer, chers membres, 1'expression de nos salutations les plus sincères.
L'Equipe des permanents