lundi, novembre 30, 2009

Le système Bouhlal

Un rapport sur "les problèmes de gouvernance au MRAX", rédigé par l'ancienne direction licenciée, révèle le système mis en place par Radouane Bouhlal pour noyauter toute une organisation de travail et la mettre sous son contrôle personnel.
Ce texte, écrit très sobrement à première vue, démontre en réalité comment le président du MRAX a fini par paralyser toute l'organisation de travail pour la mettre à sa botte.

Rapport_Gouvernance_MRAX.pdf

Peut-on encore sauver le Mrax ?

Carte blanche (Le Soir Lundi 30 novembre 2009)

Les signataires sont membres du Mrax et y sont ou y ont été actifs (1)


Le Mrax (Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie) vit une crise sans précédent. Cette association, vieille de plus de soixante ans, qui fut le pilier de la lutte antiraciste en Belgique, a perdu sa légitimité aux yeux d’une part grandissante de la société civile. Manque d’éthique, déclin du pluralisme, dérive communautaire et gestion antidémocratique du mouvement résument les principales critiques qui lui sont adressées aujourd’hui. Certains annoncent déjà la fin de cette association en raison de son caractère jugé néfaste ou inutile, tandis que d’autres – dont nous sommes – soulignent l’importance de préserver un mouvement antiraciste fort, pluraliste et indépendant face la réalité du racisme et des discriminations en Belgique. Toutefois, pour vouloir sauver le Mrax, encore faudrait-il que ce dernier ne se dérobe pas face aux accusations dont il fait l’objet à tort ou à raison. Car si certaines attaques portées par quelques trublions de la politique sont clairement infondées, d’autres méritent toute notre attention.

– Manque d’éthique et inadéquation avec les valeurs de l’antiracisme
Un mouvement antiraciste fort et légitime se doit d’être irréprochable sur le plan éthique. Son mode de fonctionnement interne doit pouvoir refléter les valeurs qu’il prétend défendre et ne peut donc être considéré comme une affaire de seconde importance, qui ne regarderait que ses membres et son personnel. Pour pouvoir garantir publiquement son indépendance, sa force et sa légitimité, le mouvement antiraciste doit donc fonctionner de manière totalement transparente et ne pas réserver ses valeurs démocratiques à sa seule communication externe. Car, quel crédit peut-on encore accorder à une association qui, sous le feu des médias, condamne notamment les discriminations à l’embauche, alors qu’en interne les syndicats témoignent d’une iniquité dans le recrutement du personnel et dénoncent des pratiques de harcèlement moral ? De même, que penser de la sincérité des décisions de son conseil d’administration qui, alors qu’il est alerté en interne depuis de longs mois que l’un des leurs aurait diffusé des documents considérés antisémites, attend de subir des pressions externes avant d’agir ?

– Déni de démocratie interne
Un mouvement antiraciste fort et légitime, se doit d’être un modèle de démocratie. Et pour un antiraciste, la démocratie doit toujours veiller à rassembler. Elle ne peut donc être conçue comme une dictature de la majorité sur ses minorités. Ni d’une minorité sur les autres. Pourtant, depuis l’élection de Radouane Bouhlal à la présidence de l’association en 2004, quand débuta la crise actuelle, de nombreux membres et travailleurs n’ont cessé de dénoncer un manque de transparence, de concertation et de dialogue avec toutes les composantes et sensibilités de l’Assemblée générale. Face à cette incapacité manifeste à rassembler autant ses membres que les travailleurs, celles et ceux qui ne partageaient pas les vues du sommet ont peu à peu été éliminés ou ont fini par se lasser des conflits et ont démissionné. Parallèlement, on imposa (contre l’avis de son directeur) une gestion de plus en plus autoritaire du personnel en refusant tout esprit de concertation dans les prises de décision et en s’obstinant à vouloir exclure également les travailleurs de l’Assemblée générale afin de les empêcher de participer aux débats d’orientation. Comme si cela ne suffisait pas, on a poursuivi cette entreprise de sape de la démocratie interne du Mouvement, en recrutant à tour de bras de nouveaux membres dans l’entourage proche du président en vue d’assurer sa réélection. Dans une association largement fondée sur l’engagement militant, un tel mode de fonctionnement ne permet nullement de refléter et d’enrichir les passionnants débats animant le milieu de l’antiracisme, et ne peut que nuire aux motivations et à l’efficacité de ses membres et de ses travailleurs.

– Instrumentalisation de l’antiracisme et déclin du pluralisme
Un mouvement antiraciste fort et légitime, se doit d’être ouvert et pluraliste. Or la diversité interne du Mrax est clairement menacée. Son conseil d’administration clame aujourd’hui qu’il est (devenu) un mouvement qui rassemblerait toutes les victimes de discrimination en vue de les défendre. En réalité, il n’y a que quelques victimes seulement qui s’y font entendre, en particulier celles qui sont les mieux représentées au sein de l’association, et qui orientent les actions et positions du Mouvement. De ce fait, une approche syndicale de l’antiracisme conduit le Mrax à négliger d’autres formes de racisme et de discrimination, à commencer par celles qui touchent les publics les plus fragilisés, dont les sans-papiers ou les gens du voyage. Loin de nous l’idée de remettre ici en cause la légitimité de certaines orientations du Mrax qui font parfois écho à des revendications communautaires spécifiques, comme le droit à porter ou ne pas porter un insigne religieux à l’école par exemple.Mais si le mouvement antiraciste peut juger nécessaire d’accompagner l’une ou l’autre minorité en vue de s’assurer qu’elle bénéficie d’un traitement équitable (en défendant le principe des accommodements raisonnables par exemple), son rôle n’est pas de se substituer à ces mêmes minorités. Non seulement cette approche ne peut ni éviter l’exacerbation du sentiment victimaire, ni l’instrumentalisation de l’antiracisme par des intérêts particuliers. Mais surtout, cela amène finalement le Mrax à délaisser l’objectif primordial de l’antiracisme, qui est de rechercher à rassembler et à contribuer positivement au mieux vivre ensemble dans une société multiculturelle.

– Peut-on encore sauver le Mrax ?
Ce mardi 1er décembre, une Assemblée générale extraordinaire a été convoquée à l’initiative de quelques membres favorables à l’actuel Conseil d’administration et à son président Radouane Bouhlal. Il y sera question de maintenir ou non à la tête du Mouvement le président et les quelques administrateurs qui n’ont pas démissionné. S’ils obtiennent la confiance de l’Assemblée, tout indique que le mode de gouvernance qu’ils ont adopté et que nous jugeons néfaste, sera maintenu. Le Mrax s’enfoncera plus encore dans la tourmente et perdra le peu de légitimité qui lui reste à l’extérieur.
Si, au contraire, une majorité de membres refusent, comme nous, de les soutenir davantage, un long travail de reconstruction, associant toutes les composantes du Mrax, pourra alors être entamé en vue de rétablir une vision positive, pluraliste et fédératrice de l’antiracisme. Gageons que l’unité l’emportera sur l’éclatement.

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(1) Tous les signataires de la présente Carte blanche sont ou ont été des militants actifs au Mrax :
Abderrahmane Cherradi (ancien vice-président et ancien secrétaire général), Didier de Laveleye (ancien directeur), Thérèse Frankfort (membre), Pablo Isla Villar (membre), Jean-Marie Leconte (ancien trésorier et ancien coordinateur), Léon Liebmann (membre), Luc Malghem (ancien webmaster), Nicole Mayer (ancienne administratrice et ancienne administratrice déléguée), Bayna Mohcine (ancien juriste), Marco Paulsen (ancien animateur), Carlos Ramírez (ancien animateur), Erdem Resne (ancien attaché de presse), Michel Staszewski (ancien administrateur), Marie-Marth Van Keirsbilck (ancienne directrice adjointe), Boris Wastiau (membre).
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L’Assemblée générale extraordinaire du MRAX se tiendra ce mardi 1/12/2009, de 18h30 à 21h30, au 29 rue Blanche, 1060 Bruxelles. Toute personne se mettant en ordre de cotisation a le droit d’y assister.