mardi, août 28, 2012

Pourrissement du MRAX : calcul et compromissions politiques en cause ?


Voilà 8 ans que les travailleurs du MRAX, soutenus par une cohorte de militants associatifs, dénoncent les dérives de leur association. Bilan social : licenciements à gogo (plus de 200% des travailleurs ont été remplacés), de sorte que la charge psychosociale de ceux qui y sont aujourd'hui est énorme. Bilan politique : depuis 2004, l'assemblée générale a été peu à peu vidée d'une grande partie de ses membres (ils étaient près de 300, il en reste à peine 10% aujourd'hui). Des dizaines d'administrateurs s'y sont succédés, tous ont fini par également s'enfuir, parfois avec fracas (plusieurs lettres ouvertes sont encore sur la toile), souvent en silence car pris de malaise pour avoir trop longtemps soutenu l'homme qui (dé)tient presque à lui seul l'asbl, Radouane BOUHLAL. De communiqué en communiqué, les travailleurs dénoncent ouvertement par le biais de leurs organisations syndicales, qu'ils ne reçoivent plus de travail et que leur direction, quand elle est présente, les ignore. Dans les faits, le MRAX ne fait pratiquement plus rien et n'a plus aucun crédit dans la presse, sauf quand il s'agit de traiter de sa crise interne. 

Et pourtant, malgré ce honteux enlisement, même si on lui a retiré une (faible) partie de ses moyens, l'association est toujours globalement soutenue et subsidiée par les pouvoirs publics. Si l’on a pu comprendre au début que l'on ne condamne pas trop vite une association en difficulté, la situation du MRAX dure depuis plus de 8 ans et elle n'a jamais fait qu'empirer au point où, ces derniers mois, les travailleurs dénoncent non plus seulement une mauvaise gestion mais carrément l'absence de direction et de travail et, de ce fait, l'inutilisation des subsides publics... tout cela sur fond récurrent de plaintes pour harcèlement moral.


Un bilan politique désastreux

Cette situation bénéficie tout autant à l'extrême-droite, qu'à une certaine droite populiste, qui se font régulièrement un plaisir de dénoncer l'inaction du politique, voir sa complicité. Il y aurait là autant de preuves qui confirmeraient leurs thèses tantôt poujadistes, tantôt carrément racistes. Le principal intéressé, Radouane BOUHLAL, l'a parfaitement compris et n'hésite pas à user de la même rhétorique simpliste pour se défendre. Il a par exemple encore récemment laissé entendre qu'ACTIRIS s'attaquerait à lui par... racisme. Mais il y a pire : au sein même des forces progressistes, la déliquescence du MRAX et l'image déplorable qu'il donne de l'antiracisme, souffle dans le même sens qu'un vent de scepticisme à l'égard de la défense d'une société multiculturelle. D'une certaine manière, le pourrissement du MRAX (et, avec lui, le pourrissement de l’antiracisme) joue dans la partie francophone du pays le même rôle néfaste à l'encontre du "vivre-ensemble" que les partis de la droite populiste flamande en Flandre.

Depuis des années l'antiracisme bouhlalien a consisté à substituer son combat originel en faveur du vivre-ensemble pour lui préférer l'exploitation des tensions communautaires que l'on peut résumer par la formule : fabriquer une communauté de "victimes" contre les "visages pâles (sic)" que sont tous les Belges "de souche". En bref, faire de l'antiracisme au moyen d'une propagande raciste... Au-delà de ses discours nauséabonds, c'est l'ensemble des pratiques de l'association qui ont été orientées sur cette voie : les activités du MRAX sont à ce point cloisonnées par groupes ethnico-raciaux que même en son sein des conflits entre "Noirs" et "Arabo-Musulmans" ont éclatés. En permettant au MRAX de rester, avec ce discours et ces pratiques, la "seule" référence associative subsidiée en matière d'antiracisme, les pouvoirs publics commettent un crime contre la cohésion sociale du pays. Heureusement, les subsides "cohésion sociale" dont bénéficiaient le MRAX, ont eux été supprimés (il s'agit d'une compétence régionale détenue par Charles PICQUE (PS)). D'autre part, la Ministre de la Culture, Fadila LAANAN (PS), après les avoir augmentés en 2009, a réduit de moitié la dotation publique en Education permanente (reste que les subsides actuels sont supérieurs à ceux de 2008 !) et a également commandité une plateforme d'associations destinée à réfléchir à une alternative. Cependant le MRAX reste encore largement subsidié aujourd'hui, particulièrement au niveau de l'emploi : une douzaine de salaires sont toujours financés par ACTIRIS. Et là aucune décision n'a été prise.

Un bilan social inhumain

Pourtant, ACTIRIS a déjà largement enquêté au sein de l'asbl et, outre de multiples infractions, a constaté la persistance d'une situation nuisible pour ses travailleurs. Depuis de nombreuses années, malgré un turn-over impressionnant (200%), les travailleurs dénoncent tour à tour leur "Président-Directeur", Radouane BOUHLAL, qu'ils accusent de plaintes pour harcèlement moral et un mode de management erratique (Mr Bouhlal passe 1/3 de son temps... au Maroc) et despotique (pressions, intimidations, humiliations résument son mode de fonctionnement quotidien). Départs et licenciements en cascade, taux particulièrement élevé d'absentéisme pour maladies, et même suicide d'un travailleur,... L'état de santé mentale des employés devrait suffire à justifier la suppression des subsides publics. Malgré les recommandations d'ACTIRIS en ce sens, aucune décision n'a abouti. Pourquoi ?  Non sans un certain cynisme, certains politiques prétendent en coulisse qu'ils ne demandent pas à supprimer les dotations publiques pour ne pas mettre les travailleurs au chômage. Nous savons pourtant que si ACTIRIS recommande de retirer les postes subsidiés du MRAX, cela ne signifie pas que les travailleurs soient nécessairement mis en chômage. Il existe des exemples par le passé où l'Administration, tout en supprimant des postes subsidiés dans une asbl, a tout simplement déplacé les travailleurs concernés vers d'autres structures. Cela fait plus de deux ans que la plupart des travailleurs du MRAX réclament le même traitement. Mais, par lâcheté politique, le Ministre de tutelle Benoît CEREXHE (CdH) repousse la décision et semble même décidé à ne pas décider et à ainsi laisser la situation s'empirer.

Calcul et compromission politique

L'inaction du Ministre régional de l'emploi Benoît CEREXHE résulte probablement d'un calcul électoral dans son parti. Contaminé par l'idéologie communautariste du MRAX, c'est ici encore une lecture raciale des citoyens-électeurs qui préside à ce type de stratégies électorales: On se souviendra que le CdH a largement utilisé BOUHLAL lors des Assises de l'Interculturalité dans le but à peine voilé de réaliser une percée électorale au sein des couches populaires dites « d'origine étrangère ». Pour preuve, à la même époque, le CdH a fait entrer au sein du Conseil d'Administration du MRAX celle qui était justement en charge de l'organisation de ces Assises, Véronique LEFRANCQ (CdH, candidate à Koekelberg), collaboratrice de la Ministre de l'Egalité des chances de l'époque et initiatrice du projet, Joëlle MILQUET (candidate à Bruxelles-Ville) ! On comprend dès lors pourquoi le CdH soutient apparemment toujours BOUHLAL.Récemment encore, lors de la dernière Assemblée Générale de juin 2012, le président des jeunes CdH, Jean-Yves KITANTOU (candidat à Jette), est venu renforcer l’asbl.

Ce type de compromissions part de l'hypothèse que BOUHLAL aurait la capacité à nuire électoralement aux partis politiques qui ne le soutiendraient pas. Cette crainte largement exploitée par l'intéressé depuis des années, n'a pourtant pas effrayé le PS schaerbeekois qui a récemment refusé de l'accueillir sur ses listes électorales. Reste cependant que plusieurs responsables politiques, singulièrement au CdH, semblent animés par l'idée implicite que la stratégie du laisser-faire et du soutien implicite au MRAX bouhlalien, ne ferait que rapporter des voix et donc n'en coûterait aucune.Encore faut-il que ces malsains calculs restent inconnus des électeurs. 

Il ne faut plus sauver le MRAX

Cette conclusion s'impose aujourd'hui à tous les militants de l'antiracisme. Après tant d'années de tentatives diverses et de faux espoirs, il est devenu évident que l'on ne peut plus sauver cette association. Surtout, son bilan social et politique étant devenu à ce point nocif -tant pour les travailleurs que pour la cohésion sociale, il est maintenant urgent d'y mettre arrêt définitif, en supprimant intégralement tous les subsides publics dont cette asbl bénéfice encore. Cela doit se faire sans délai. Cela doit se faire pour mettre fin aux déviances politiques de cette association. Cela doit se faire pour sauver des travailleurs à bout de souffle. Cela doit se faire pour rétablir une saine gestion des finances publiques. Cela doit se faire pour sauver la mémoire de ses fondateurs. Cela doit se faire pour permettre à de nouvelles initiatives d'émerger. Cela doit se faire pour donner un nouvel élan à l'antiracisme. Cela doit se faire pour réhabiliter l'idée que, dans notre société, on peut vivre et s'épanouir sans race ou tout autre cloisonnement.

Refuser cette conclusion, par aveuglement ou par calcul ethnico-politique, implique aujourd'hui que l'on soit complice des tensions inter-culturelles que le MRAX se plait à exacerber. Soutenir même mollement le MRAX, c'est prendre le risque d'alimenter des Anders Breivik et leur haine meurtrière d'une société multiculturelle. Permettre au MRAX de poursuivre son pourrissement de l'antiracisme revient finalement à faire de lit de ceux qui sont animés par la haine raciale.